Axel Bauer
Avec Radio Londres, son septième album studio en quatre décennies d’un parcours jalonné de tubes inattendus et de longs formats singuliers, Axel Bauer rend hommage à un esprit de résistance historique, le transposant dans notre monde contemporain avec conviction et humilité combinées.
Tour à tour, au fil d’un parcours singulier et intègre couvrant quatre décennies, Axel Bauer aura incarné le matelot iconique d’un Cargo culte (1984), espéré de toute la fougue de sa jeunesse l’avènement d’idéalistes Nouveaux Seigneurs (1987), joué les Sentinelles (1990) aux avant-postes d’un rock français à la fois dur et accessible, vanté les joies comme les affres de la condition de Simple Mortel (1998) dans des tourbillons de guitares volcaniques, réalisé avec une lucidité tranchante et fédératrice que Personne N’Est Parfait (2000), revêtu les atours d’un Bad Cowboy (2006) électrique et tourmenté, et enfin transcendé avec sagesse ces mues successives en se délestant de toutes ses Peaux de Serpent (2013).
Avec Radio Londres, son septième album studio, Axel Bauer offre le prolongement de sa propre histoire, déjà rapportée avec une remarquable franchise en 2012 dans son autobiographie Maintenant Tu Es Seul, tout en marquant un nouveau départ. Derrière un titre qui résonne comme un clin d’œil à son père, qui fut l’un des speakers de la célèbre émission Les Français Parlent Aux Français et dont on retrouve la voix sur l’ouverture idéale du galvanisant Ici Londres, le chanteur et compositeur rend hommage à un certain esprit de résistance, le transposant dans notre monde contemporain avec un cocktail purement intuitif de conviction et d’humilité.
Loin de se contenter de fustiger frontalement les injustices et les drames d’une actualité toujours plus sombre, Axel Bauer préfère les interroger avec un recul qui ne s’embarrasse pourtant pas de détours : l’entêtante progression harmonique de L’Homme Qui Court illustre une quête âpre et nomade du sens de l’existence, le chaloupé Achète-Moi Une Âme confronte la fragilité des sentiments humains les plus essentiels au vertige technologique typique de notre monde moderne, tandis que le blues rock rageur de Tout L’Or Du Monde dresse un constat placidement pragmatique sur l’état de la planète, plus qu’il ne pousse un cri d’alarme dogmatique.
Semblant dessiner un fil narratif naturel et purement instinctif, cette suite de chansons taillées dans le roc d’une sensibilité à fleur de peau, bien qu’harmonieuse et cohérente comme jamais, nous entraîne dans de véritables montagnes russes émotionnelles, nous baladant d’un J’Aime Ça accrocheur, en forme de vibrante ode épicurienne aux plaisirs terrestres, à l’élégance racée de C’Est Malin, évocation lumineuse d’une bataille vitale menée face à l’adversité du sort, sur laquelle Axel Bauer livre l’un des plus beaux textes de son cru, le nimbant de notes de piano délicatement neigeuses et graciles, avant d’exposer au grand jour, comme à plusieurs reprises sur le disque, son profil chevronné de guitariste soliste, à la maîtrise aussi précise qu’expressive.
Amateur de contrastes, Axel Bauer chante par ailleurs la déchéance d’un amour finissant sur un Ce Que Tu Ne Sais Pas paradoxalement et furieusement remuant, avant d’exalter la naissance d’un autre sur la progression insistante d’un Envole-Toi libérateur et gorgé d’espoir. Et lorsqu’il revisite l’illustre poète Louis Aragon, transformant l’emblématique Est-Ce Ainsi Que Les Hommes Vivent ? en brûlot rock hypnotique, ou reprend son aîné Gérard Manset pour un épique À Qui N’A Pas Aimé, c’est toujours avec la bonne distance, dans l’instrumentation comme dans l’interprétation : celle qui lui permet de filer, funambule, pour toucher directement au cœur sans céder au pathos souvent caractéristique de telles thématiques.
Au final, Radio Londres s’affirme bel et bien comme le retour en grande forme d’un outsider aussi résolument actif que pourvoyeur de tubes surprenants et rassembleurs. Artiste viscéralement libre au sein du paysage musical français actuel, épaulé de fidèles complices, du réalisateur François Poggio à une équipe de musiciens habités et acquis à sa cause, mêlant dans une symbiose rare ses propres textes à ceux des auteurs Boris Bergman et Pierre-Yves Lebert, Axel Bauer vient assurément de délivrer, avec une réussite à la fois inédite et éclatante, un grand disque de chansons à son image et, par extension, à celle de la vie elle-même : chaleureuses, addictives, simples et mortelles.
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